Stellantis a dévoilé en janvier dernier les grandes lignes d’un accord global (ou somme d’accords) avec le géant du numérique Amazon. Il s’agit d’une coopération d’un nouvel ordre dans laquelle les constructeurs automobiles historiques semblent contraints de s’associer avec les GAFA pour accélérer leur transformation technologique.
Il est intéressant d’analyser les facteurs clés de cette coopération.
Si l’on se met dans les bottes de Stellantis, le moteur fondamental de cette coopération est l’atteinte d’un objectif ambitieux : « devenir une Tech Company ». Pour y parvenir Stellantis faisait face à 2 scénarios.
Le premier scénario consistait à continuer seul. Avec la quasi certitude, d'évoluer lentement, d'avoir des difficultés à attirer les top talents TECH, de les noyer dans son Monde historique "voiture", de décider de manière non pertinente par défaut de maitrise des enjeux, ... Bref pour être toujours en retard face à des compétiteurs plus ouverts et agiles
Pour « devenir une Tech Company », Stellantis a donc retenu un 2ième scénario. L’entreprise a fait le pari d’un partenariat de coopération avec Amazon. Toutefois, en faisant ce choix, subsiste le risque important que la vraie tech company reste Amazon car c’est elle qui détient les compétences et les moyens d’investir. Mais c'est un risque à prendre.
Il faut comprendre ici que Stellantis a fait le choix de la coopération pour répondre à un impératif stratégique ambitieux. « Devenir une Tech Company » est l’objectif le plus ambitieux du constructeur automobile, c’est l’objectif qui adresse directement sa « raison d’être ». En revanche, pour Amazon, il semble que le deal n’a pas la même ampleur. Le géant du web n’a pas besoin de Stellantis pour satisfaire sa raison d’être.
Toutefois, on constate qu’il y a ici coopération « malgré » les freins parce que l’objectif est majeur, au moins pour l’un des acteurs.
Equilibré ou Gagnant-gagnant ?
Carlos Tavares dit que le partenariat est gagnant-gagnant ; c’est sûrement vrai. L’équation économique - Voitures électriques contre Cockpit digital et hébergement cloud – est sans doute gagnant pour chaque partie. Cela confirme qu’une coopération est nécessairement un partenariat gagnant-gagnant, où chaque acteur considère que le gain de la coopération est supérieur à son coût.
En revanche, dire que la relation est équilibrée semble davantage un effet de communication. Nous avons d’une part Stellantis pour qui la coopération est vitale et d’autre part, Amazon pour qui elle est seulement marchande. Si nous prenons l’image de l’omelette au lard, Stellantis est le cochon et Amazon, la poule.
Ces accords engagent (et valorisent) les grands chefs mais c’est dans le détail de leur réalisation que se situe la performance réelle.
Cela n’est pas du tout une affaire gagnée : le choc des deux Mondes est assuré et il n’est pas certain qu’ils parviennent à trouver un Monde commun de coopération.
L’enjeu est de parvenir à créer des Passerelles entre des équipes très différentes en termes de culture, de compétence, de reconnaissance, …Bref deux Mondes très différents. A terme, la coopération sera un succès durable si elle parvient à créer un Monde commun qui englobe les équipes des deux entités en proposant une enveloppe culturelle commune qui permet de régler les désaccords de manière fluide.
GRANDEUR
Celle d’une tech company : ce qui demande à être explicité car le slogan est très utilisé. Il recouvre des idées de vitesse, d’agilité, de capacité à coder mieux que les autres, de réponse digitale aux besoins clients quitte à les anticiper, ...
RECONNAISSANCE
C’est un enjeu pour les personnes de Stellantis : elles prennent le risque de quitter la reconnaissance existante pour sauter dans une aventure, quitte à ne pas rester une fois leurs compétences acquises et évoluer vers de « vraies tech companies » davantage capables de les développer et de les rémunérer.
INTERACTIONS
Celles du Mode agile, et plus surement celles du partenaire Amazon que l’on peut analyser comme un archétype (cf nos archétypes by P-Val) d’un Monde industriel focalisé sur le client.
DECISION
C’est sans doute la partie la plus complexe pour éviter un empilement des « besoins » et un cockpit « impossible ». Il faut construire une gouvernance robuste capable de décider vite, malgré un leadership bicéphale.
Enfin Carlos Tavares, avec justesse, met l’accent sur l’enjeu de pouvoir que constitue la maitrise de la relation client.
Il considère que le propriétaire de la voiture restera fidèle à sa marque de voiture, ce qui est vrai à court terme. Amazon considère sans doute qu’à moyen terme le conducteur voudra un « smart cockpit Amazon » et qu’il vivra d’abord une expérience client digitale avant de vivre celle procurée par les 4 roues et un moteur électrique (cf. les basculements Intel inside ou les choix d’OS de smartphone Apple ou Android). L'avenir nous dira ce qui devient majeur pour le client.
En synthèse, retenons que les accords de coopération stratégiques, comme les JV et les Fusions ne fonctionnent durablement que si l’objectif est ambitieux pour dépasser ce que chacun aurait pu faire seul, que le calcul *bénéfices - coûts* est positif et enfin que les acteurs opérationnels parviennent à penser et agir dans un même Monde commun.
C’est notre engagement dans toutes nos missions de coopération.
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